Alors que tous les yeux sont braqués sur la faillite d’un scrutin interne, il est temps de poser la question de la faille politique et structurelle qui mine l’UMP et de la nécessité de ne pas réduire l’immense chantier d’un projet politique à reconstruire à la personnalité de celui qui tiendra le siège de la rue Vaugirard.
Finissons-en. Jean-François Copé est dans la place et personne ne l’en fera plus sortir mis à part un hypothétique nouveau scrutin. Telle est la règle non écrite des batailles politiques selon laquelle le pouvoir est une femme qui se donne à celui qui la désire le plus et force est de constater que le nouveau Président de l’UMP était plus motivé que l’ex-Premier Ministre.
Mais une fois le chapitre de la basse politique clôturé, s’ouvre celui de la vraie politique, du projet et de la France.
La prise en mains de l’UMP par un Président, Jean-François Copé, qui n’a retenu du Gaullisme que le képi et du Sarkozysme que les 15 derniers jours de la campagne de 2012, épaulé par les auteurs d’une motion de posture, nostalgique et réactionnaire, et assisté par une division de lieutenants du discours populiste, pose le sujet de la rupture dont François Fillon n’a pas parlé, celle idéologique.
L’UMP est née sur cette idée que la droite pouvait rassembler du centre jusqu’à la frontière invisible qui empêche certains cadres de glisser dans le camp de l’extrême droite. Cette idée a priori intenable a finalement tenu par la force du leader qu’est Nicolas Sarkozy, et qui par son autorité a réussi à faire la synthèse entre deux droites qui finalement ne s’aiment pas. La dramatique offerte par la rupture entre les deux candidats à la Présidence de ce (trop) grand parti n’a fait que raviver cette rupture que les derniers jours de la campagne de Nicolas Sarkozy avaient commencé à réveiller.
Le mythe du parti unique c’est d’abord la réalité d’un parti fourre-tout et à force de vouloir rassembler, on tue la diversité, la créativité et donc la modernité sur l’autel de la nécessaire hyperstructure.
Anesthésié par le magnifique discours de défaite du Président Sarkozy et par l’incroyable cohésion qu’il avait créée durant sa campagne, personne n’a osé poser la question ni de l’inventaire, ni de l’héritage, ni des valeurs centrales de cohésion, ni des landmarks d’une famille qui voulait croire qu’une élection interne suffirait à colmater un édifice bâti sur du sable idéologique.
Pis encore, tacticiens plutôt que visionnaires, certains cadres ont profité de la bataille pour la présidence de l’UMP pour embrasser le leader du camp d’en face et ainsi obtenir les fauteuils après lesquels ils courent toujours. Dès lors, que penser de la présence d’Éric Ciotti et Christian Estrosi aux côtés de François Fillon et de Luc Chatel ou Sébastien Huygues main dans la main avec Jean-François Copé ?
C’est donc, sans jamais avoir accepté de débattre sur le fond et dans une confusion structurelle, statutaire et idéologique totale que le scrutin du 18 novembre a débouché sur la seule issue possible ; et puisqu’il n’avait pas eu lieu pendant la campagne interne, l’affrontement s’est saisi du seul espace qu’il lui restait pour exister, celui des résultats. Il n’y a pas de hasard et cette crise est d’abord celle de l’identité des adhérents et des sympathisants qui ne se reconnaissent plus et qui sont incapables de lire la ligne politique d’un mouvement à l’arrêt.
Mais puisque derrière chaque menace se cache une opportunité, la crise actuelle permet enfin l’éclosion de la parole libre et des questions qui attendent des réponses :
– Pourquoi l’UMP a-t-elle perdu toutes les élections depuis 2008 ?
– Quelles sont les erreurs commises depuis 2007 ?
– Comment regagner les territoires perdus, à commencer par les communes ?
– Quelles sont les valeurs centrales de cohésion autour desquelles toutes les composantes de ce parti peuvent se retrouver ?
– L’UMP peut-elle toujours accueillir toutes les sensibilités de la droite, et ce alors qu’il n’y a plus de leader incontesté à sa tête ?
Mieux encore, est-il nécessaire qu’il y ait un parti unique de droite, alors que le système des primaires est sur le point de totalement bouleverser le mode de fonctionnement des partis politiques français en opérant la mutation des anciennes écuries présidentielles pyramidales et hyperconcentrées en des super think tanks décentralisés et fonctionnant en réseaux ?
Ainsi, la réalité mise en exergue par le vote sur les motions est que l’UMP est manifestement devenu un parti de droite au sens traditionnel du terme, en se rapprochant des canons droitiers libéraux, atlantistes et fédéralistes. La rupture avec la droite sociale, non alignée et souverainiste est donc désormais nette et consommée et la question du maintien de ses tenants, qu’ils soient gaullistes, chiraquiens ou séguinistes, en son sein est désormais posée de façon franche et massive.
Le spectre de la division à droite est une hantise et elle a longtemps été mère de toutes les défaites. À l’heure où des primaires ouvertes pourraient parfaitement voir le jour de l’UDI à l’UMP pour les présidentielles et les municipales, pourquoi dès lors empêcher l’émergence nouvelle des vraies familles politiques, c’est-à-dire de celles qui rassemblent autour des valeurs communes et non autour des ambitions individuelles.
La mise en place d’un nouveau vote permettra de rétablir une légitimité au sein de l’UMP, mais laissera béante la plaie identitaire d’une famille réunie par la volonté d’un leader perdu – momentanément ou pas – autour de valeurs parfois antinomiques. L’enjeu de la refondation idéologique et politique de la droite est désormais inévitable et sera salvatrice, car régénératrice d’un projet moderne, riche de sensibilités, mais au final, commun à tous. La seule question qui demeure encore à cette heure est celle de savoir si cela se fera au sein de l’UMP.