La proposition de loi 1242 qui souhaite « Ôter au principe de précaution
sa portée constitutionnelle » déposée le 10 juillet par Eric Woerth et une centaine de députés UMP (dont François Fillon) donne la part belle aux mots prononcés par Nicolas Sarkozy lors de son apparition, seulement deux jours avant, soit le 8 juillet : le passé Président estimait alors, que le principe de précaution qui était « sans doute » au départ une « très bonne idée, avait été pervertie, car c’est un principe qui interdit, et pas qui autorise ».
Pourtant, en 2008, en tant que Président aux manettes, il refuse de suivre la recommandation de la commission Attali (pour la libération de la croissance) qui préconisait déjà le retrait de cet article en soutenant à l’époque que »Le principe de précaution n’est pas un principe d’inaction », et « pas davantage un principe d’interdiction ».
Plutôt que de chercher des raisons à un tel revirement, le temps est venu de trouver une issue à un moment où notre pays semble manquer de souffle, et le projet français manquer de sens.
Les propos de Louis Gallois dans son rapport de novembre 2012 sur la compétitivité de l’industrie française suggèrent la même orientation : « la notion même de progrès technique est trop souvent remise en cause à travers une interprétation extensive – sinon abusive – du principe de précaution ».
Mais que signifie ce principe ? Le texte de l’article 5 est le suivant : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution (…) à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».
Cet article semblait être la réponse à 30 ans de mauvaise gestion d’un certain nombres de risques et de scandales environnementaux ou sanitaires, touchant in fine à la santé publique : amiante, vache folle, sang contaminé, etc.
Fort de ces expériences qui ont meurtri le corps social autant que les corps physiques de beaucoup trop de nos concitoyens, le législateur a décidé d’inscrire au fronton de ce vieux pays qu’il était préférable d’anticiper le pire et de ne rien faire plutôt que de risquer quoi ou qui que ce soit. Sage décision, oui, sans doute.
Et pourtant, ce jour là, la France a oublié que le « risque, c’est l’essence de la stratégie » (De Gaulle) et que la seule chose promise d’avance à l’échec, c’est celle que l’on ne tente pas.
En effet, loin de se limiter à l’environnement, l’article 5 frappe quotidiennement à notre porte et s’est finalement invité dans les collectivités, les grandes entreprises, puis les plus petites et enfin chez les artisans et les professions libérales, si bien que le sujet n’est plus de chercher ce que l’on peut entreprendre mais trouver ce que l’on risque si l’on entreprend.
Que n’aurions-nous pas inventé, créé, imaginé ou découvert si nous avions toujours agi de la sorte ? Oui les risques sont réels lorsque l’on parle d’OGM, de Gaz de schiste, de Bisphénol A ou d’antennes relais. Mais la responsabilité de la science et du scientifique réside tout autant dans la découverte que dans la maîtrise de la découverte. S’interdire le risque c’est s’empêcher l’avancée et finalement la maîtrise du risque.
Selon le grand rabbin Haïm Korsia: » Si Moïse avait appliqué le principe de précaution devant la mer Rouge, nous serions encore en Egypte. » Cet audacieux trait d’esprit souligne toute l’ambiguïté du principe selon lequel ce qui est anormalement dangereux ne doit pas être tenté. Or, la précaution voudrait que ce qui est anormalement dangereux soit impérativement tenté si son bénéfice est suffisant et si les conditions optimales de sécurisation permettent d’en gérer le risque.
Gérer le risque, voilà bien ce qui devrait se substituer au fait de l’interdire, car l’interdire c’est se condamner à l’immobilisme, à la crispation et finalement au déclin et à l’asphyxie. Et c’est bien de déclin dont il est question ici, de ce déclin qui naît de l’abandon de l’audace créatrice. Pourtant, nous ne l’avons pas perdu, non, seulement abandonné au fur et à mesure que les risques mal gérés appelaient des victimes et que les victimes demandaient des responsables, fussent-ils coupables ou pas.
A cela s’est ajouté l’information dans sa forme la plus mercantile et sensationnaliste, celle qui consiste à donner le plus grand poids au plus petit risque et à l’amplifier pour s’assurer de l’emballement médiatique générateur de buzz, c’est à dire du trafic nécessaire à la génération de revenus.
Enfin, « le bon usage des catastrophes » de Régis Debray souligne ce désir très occidental de se faire peur, héritage de nos montres molles judéo-chrétiennes, en nous rappelant que l’épée de Damoclès flotte en permanence au dessus de nos têtes.
Alors comment vivre et penser dans nos sociétés du risque ? Question d’actualité dans une période où nous n’avons plus les moyens de payer le prix de notre inaction.
Le risque zéro n’existe pas et l’activité entrepreneuriale – pour ne parler que d’elle – dans sa nature même, repose sur des décisions qui au moment où elles sont prises, sont un véritable pari sur l’avenir : le croisement d’un moment et d’un mouvement.
Loin de renforcer notre pays, ce principe l’affaiblit : La France est classée au 6e rang mondial du nombre de publications scientifiques mais au 15e rang seulement en matière d’innovation. Innover c’est avoir la capacité à changer de paradigmes qu’ils soient technologiques, organisationnels, économiques ou sociétaux. L’innovation c’est avant tout l’avancée d’hommes et de femmes au service d’une ambition, d’un projet avec l’énergie nécessaire pour « porter le (re)nouveau ».
Cette question devrait transcender les clivages politiques traditionnels et si la petite soupe politicienne ne s’en mêlait pas, la proposition de loi déposée par Eric Woerth devrait obtenir une confortable majorité. Mais voilà, le premier principe de précaution c’est celui qui conduit à faire de la politique sans jamais prendre aucun risque en oubliant cette sentence gaullienne : « Gouverner à coups d’initiatives, de risques, d’inconvénients. Voilà ce que je peux faire« .
La situation économique et sociale nous impose, qu’on le veuille ou non, d’avancer avec moins de précautions afin de retrouver de la cohésion autour de challenges communs, de terres inconnues à explorer, de nouveaux possibles, car ce qui fait un pays ou une civilisation demeure sa capacité à viser collectivement des horizons inatteignables. Et lorsque nous aurons épuisé tous les arguments, il restera encore l’invitation de René Char: « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront ».
ce principe de précaution je ne vois pas en quoi il gène? le béton avance partout pour stériliser les terres agricoles, les eaux sont bourrés de pesticides; les abeilles et les papillons les oiseaux ne seront bientôt plu s que de charmants souvenirs a montrer aux petits d’après …le bétail est traité comme dans un camp de concentration le pré pour lui c fini! rendement économique oblige les loups doivent etre chassés de NOS territoires qu’ils aillent au diable! les restau ne servent plus que la cuisine indutrielle les mac do s installent en provence Carpentras bollene vaison la romaine le tgv lypon turin va bien détruire des kms de nature et vie humaine, la éroport de nantes 1650 ha de bocage et il ya d’autres projets tut aussi radieux pour la crossance de la fraonce et la disparition des paysans ; franchement dites moi en quoi le prinicpe de précaution a empéché quoi que ce soit? oui il retarde un peu le rythme de la destruction mais à part cela..
et vous osez citer René Char? vous pensez qu il était pro ogm pro béton pro bagnole vraiment? citez plutôt des macron et autre attali des messieurs je sais tout mais pas des poètes svp!
Partons d’abord du principe que j’ai le droit de citer qui je veux… Pour le reste vous avez une lecture très partielle de ce que j’ai écrit.
ne jamais oublier que nous n’avons qu’une seule planète! rené char était un poète épris de nature! , je connais très bien son œuvre et son personnage
« Nous commençons toujours notre vie sur un crépuscule admirable. Tout ce qui nous aidera, plus tard, à nous dégager de nos déconvenues s’assemble autour de nos premiers pas.
La conduite des hommes de mon enfance avait l’apparence d’un sourire du ciel adressé à la charité terrestre. On y saluait le mal comme une incartade du soir. Le passage d’un météore attendrissait. Je me rends compte que l’enfant que je fus, prompt à s’éprendre comme à se blesser, a eu beaucoup de chance. J’ai marché sur le miroir d’une rivière pleine d’anneaux de couleuvres et de danses de papillons. J’ai joué dans des vergers dont la robuste vieillesse donnait des fruits. Je me suis tapi dans des roseaux, sous la garde d’êtres forts comme des chênes et sensibles comme des oiseaux. (…)..
la rivière est à présent déserte plus de libellulles plus de couleuvres mais des produits phytosantaires dedans! si Char revenait….
Viendra le temps où les nations sur la marelle de l’univers seront aussi étroitement dépendantes les unes des autres que les organes d’un même corps, solidaires en son économie.
Le cerveau, plein à craquer de machines, pourra-t-il encore garantir l’existence du mince ruisselet de rêve et d’évasion ? L’homme, d’un pas de somnambule, marche vers les mines meurtrières, conduit par le chant des inventeurs…..
Feuillets d’Hypnos, 1943-1944