Alors que les commentateurs glosent sur la jupiteranéïté du Président Macron, le quinquennat vient déjà d’entrer dans une phase décisive, celle qui le verra basculer soit dans la transformation profonde et attendue de notre pays, soit dans l’ajustement vain d’un modèle qui ne fonctionne plus.
Nul doute qu’Emmanuel Macron est Président de la République et après quelques semaines de mandat, il ne viendrait à personne l’idée de lui contester sérieusement d’avoir remis, suite à deux quinquennats bancals, la fonction sur ses pieds. Le fait est que si Emmanuel Macron a voulu être auteur, il écrit sa vie comme un romancier et dans la continuité, il a décidé de redonner une ligne au roman national dans lequel s’inscrit désormais son propre personnage. Ainsi, ses discours, ses apparitions, ses rencontres, ses gestes même, répondent-ils à un impératif symbolique au profit d’une Histoire qui ne dit pas encore son nom. Certains y voient de la communication, bien sûr, mais le fait est que la communication est une clé d’entrée dans l’Histoire, et que ses plus illustres prédécesseurs ont rarement rechigné à l’utiliser.
Par ailleurs, le Président Macron s’est emparé de son domaine réservé avec la ferme volonté d’y laisser son empreinte. Ainsi la politique de défense, la politique étrangère, la construction européenne, forment-ils le socle de son agenda et de ses interventions. Il se trouve également que c’est là que se situent finalement les enjeux majeurs auxquels notre pays et notre continent ont à faire face, et ce, dès lors que l’on appréhende les menaces majeures que constituent le terrorisme, les grandes migrations et les équilibres géopolitiques, plus fragiles que jamais.
Ainsi par exemple, de la réussite de l’initiative diplomatique française avec la Libye dépendent probablement, derrière le retour de la stabilité politique à Tripoli, la capacité à juguler une nouvelle immense vague migratoire vers l’Italie et l’Europe entière, mais aussi l’éradication d’un nouveau foyer fertile pour Daesh.
Bref, en donnant un nouveau souffle au projet européen et en repositionnant la France au centre du jeu diplomatique, Emmanuel Macron redonne une place à notre pays, un sens à sa politique internationale et donc, une certaine confiance aux Français
Mais l’Histoire ne se nourrit pas seulement des discours qui la façonnent, car dans un monde où la première résonnance est médiatique, les symboles les plus insignifiants sont aussi les plus tenaces… et patatras… 5€ de réduction des APL et tout s’effondre.
La politique s’inscrit dans l’Histoire parce qu’elle en est une branche. Elle porte en elle la nécessité de pouvoir être racontée, non pas, comme trop souvent, pour être embellie ou maquillée, mais au contraire pour pouvoir être comprise et pour que finalement les citoyens acceptent que d’autres, parfois, sachent et fassent à leur place.
Longtemps, trop longtemps, nous avons sacrifié sur l’autel des loisirs et de la consommation, notre droit à comprendre ce que faisaient les élites à notre place. Quand la croissance est là, quand le plein emploi est la règle, quand le pouvoir d’achat progresse, quand l’espérance d’une vie toujours meilleure s’affirme, à quoi bon s’intéresser à autre chose qu’à la vie et aux joies qui la jalonnent. C’est l’histoire des 30 glorieuses: Un été rayonnant de 30 ans qui s’est achevé sur les coups de tonnerre de deux chocs pétroliers qui annonçaient l’arrivée d’une perturbation sans fin, la crise. Longtemps, les Français ont voulu croire aux vertus d’un été indien imaginaire, et puis l’hiver s’est installé, froid et rigoureux, triste et sombre, tirant de sa torpeur un peuple que l’on pensait endormi. Après 30 ans de déceptions puis de désillusions, soyons certains qu’il est parfaitement réveillé, et que sans surprise, il est de très mauvaise humeur.
Par bonheur, il a une dernière fois décidé de donner sa chance au camp du progrès afin qu’une majorité – fut-elle novice – transforme ce pays et son contrat social. Mais voilà, l’enthousiasme, même s’il est nécessaire, ne suffira pas à fendre les digues qui gardent les intérêts d’un modèle qui dysfonctionne, à commencer par une superstructure administrative sclérosante, des corps intermédiaires arc-boutés sur leurs intérêts corporatistes et une Europe qui nous a échappé et qui désormais nous contraint, sans plus jamais nous protéger.
Alors, moderniser l’administration, rénover le dialogue social et refonder l’Europe, est-ce faisable ? À la lumière des expériences passées, la réponse s’impose : c’est impossible.
Or, c’est justement le destin de ce quinquennat que de rompre avec ce qui a ruiné la politique depuis 30 ans, c’est-à-dire son impuissance. Pour cela, il ne s’agit plus de réussir quelques réformes disparates mais de refonder un pacte républicain, un pacte social et un pacte européen sur lesquels nous pourrons réconcilier les France qui insidieusement commencent à s’affronter. Pour se faire, il est nécessaire, non seulement de penser un modèle différent, mais aussi de lui donner du sens et donc de l’expliquer aux Français, car au fond, ce peuple sait faire par lui-même beaucoup plus qu’on ne le pense dès lors que l’Etat redevenu stratège se contente de lui fournir les conditions propices à sa mise en action. La confiance qu’il faut retisser entre le peuple et ses élites usées par trente ans d’inefficacité et de mensonges, repose sur un triptyque simple mais fondamental :
Dire la vérité – Fixer le cap – Donner les moyens.
Les coups de menton, les coups de rabot, les coups de com, seront inopérants sur une opinion qui a soif de comprendre où on la conduit. Il est déjà urgent de redonner un sens au projet présidentiel et une cohérence à l’action gouvernementale pour démontrer qu’elle est au service de ce projet. Il est tout aussi urgent d’arrêter d’énoncer des mesures illisibles, mais qui bien souvent, forment les récifs saillants sur lesquels les véritables projets de fond finissent par s’échouer. Ainsi les 5€ de réduction des APL apparaissent-ils désormais comme le contre-pied à toute annonce gouvernementale chiffrée d’augmentation ou d’économie.
Pourtant, les Français sont prêts à entendre que notre système d’aide au logement est obsolète, voire contreproductif, qu’il est trop couteux et qu’il finance majoritairement les propriétaires, en favorisant l’inflation des loyers. Mais alors, comment répondre favorablement à sa nécessaire et totale redéfinition par une simple réduction de 5€ qui apparait finalement injuste et qui cautionne la critique caricaturale de ceux qui voudraient faire croire qu’on a pris 5€ aux pauvres pour rendre 5 milliards d’ISF aux riches. C’est totalement faux, et pourtant, dans un pays où le parti de la défiance est majoritaire, cela fait sens et devient donc vraisemblable.
S’il est excessif d’affirmer qu’un quinquennat dure 100 jours, il est assez probable que la tonalité qui sera la sienne se joue sur ce premier temps de la partition présidentielle. Or si la matière mémorielle et la stratégie internationale semblent être maitrisées et compréhensibles par tous, il reste peu de temps pour poser le sens et la pédagogie d’un projet national qui réconcilierait enfin la liberté et la protection.
Ce dont il est question aujourd’hui, c’est d’aborder la transformation de notre pays en projetant clairement le visage que nous voulons lui donner, sans double discours et en renouant avec « ce courage français qui ne se laisse pas distraire par ceux qui, n’ayant su aller nulle part, sont revenus de tout. » Pour cela, il faut du courage certes, de la volonté, beaucoup, et une équipe structurée et mue par l’inextinguible désir d’expliquer ce qu’elle veut faire pour donner du sens à une action politique que le peuple ne veut plus se voir imposée, mais à laquelle il veut être associé comme un « spectateur engagé ». C’est à cette condition-là que nous pourrons poser les bases d’un nouveau modèle, fidèle à ses valeurs fondamentales mais tourné vers un monde en pleine mutation, et que nous tiendrons cette désormais belle et arrogante promesse française de « faire à l’Homme, enfin, un pays digne de lui. »
Des propos intéressants auquel je ne peux adhérer totalement. D’un côté les patrons ne sont pas des pourris il faut les soutenir de l’autre les propriétaires sont des pourris il faut les punir… et ce n’est qu’un aspect.
Jamais dit quelque chose de pareil. Le fait est que les aides impactent les loyers à la hausse. Cela ne signifie pas que les propriétaires soient des salauds, seulement que le marché se régule en intégrant toutes les variables. Il faut revoir profondément les modèles subventionnés, sur le logement comme sur d’autres sujets.
Aucune explication dans le temps présent, aucune perspectives d’avenir. Où sont passés les magnifique mts liberté, égalité, fraternité, comment sont-ils vivant dans la politique actuelle.
*clap clap clap* Jolie discours aliénant. Sauf que vous oubliez quelque chose de fondamental dans tout ça, c’est que Macron ne fera rien de tout ce qui est dit dans ce pavé monstrueux.
Les « élites » ne sont pas là pour « créer un meilleur pays » mais uniquement pour s’enrichir sur notre dos. Toutes leurs décisions vont dans leur sens à eux, à savoir gagner toujours plus tout en nous prenant pour des cons.
Bonjour, J’aimerai que vous m’expliquiez votre phrase : « la critique caricaturale de ceux qui voudraient faire croire qu’on a pris 5€ aux pauvres pour rendre 5 milliards d’ISF aux riches. C’est totalement faux, et pourtant, dans un pays où le parti de la défiance est majoritaire, cela fait sens et devient donc vraisemblable. »
J’aimerai savoir en quoi c’est faux, parce que c’est exactement ce qui arrive. Les 10% les plus riches bénéficient de 46% des efforts fiscaux (dixit l’OFCE). L’ISF va être réduit de près de 3 milliards d’euros, les APL vont être réduit de 5 euros (voir plus car les aides ne sont versées qu’à partir de 15 euros, donc tout ceux qui touchaient entre 15 et 20 euros ne toucheront plus rien). Je voudrais sincèrement croire que tout va bien, que c’est une « caricature ». Si seulement vous pouviez me rassurer, je vous en serait redevable..
Je suis pas certain de vous rassurer. Ce que je veux dire c’est que les deux mesures ne communiquent pas entre elles. Concernant les APL, il s’agit simplement de financer l’économie votée lors du budget précédent de 160 millions d’€. Vous aurez compris que je n’y suis pas favorable et que je pense qu’il faut un débat de fond sur les aides au logement pour trouver un moyen pour faire durablement et sensiblement baisser les loyers.
Concernant l’ISF, il s’agit d’une mesure qui a vocation à faire revenir en France les fortunes qui l’ont quittée pour s’exiler sous des cieux fiscalement plus favorables. Ce retour permettrait de réinjecter dans l’économie des sommes importantes permettant le financement des entreprises. L’objectif est de créer un choc fiscal susceptible de créer les conditions d’une hausse très forte de la création d’emplois.
Le pari de Macron c’est de faire baisser le chômage par l’investissement privé et un grand plan d’investissements de 50 milliards, tout en préservant le budget de l’Etat. Soyons clairs, le pari est risqué, politiquement et économiquement, mais nous n’avons plus beaucoup de marges de manoeuvre.
Ceci étant, là ou je vous rejoins c’est précisément pour rappeler que nous avons besoin d’un nouveau partage des richesses afin d’éviter leur hyper concentration. J’ai écrit une autre tribune sur ce sujet: https://xavieralberti.org/2017/07/10/la-marche-des-entreprises/
Bonne journée.
Bien, bien, les Français ont élu un Président par défaut qui s’avère sans vision, bcp moins courageux que prévu ou entendu, qui commence à se défausser sur tout le monde (le dernier en date étant son PM, ce qui veut dire aussi que, comme ses prédécesseurs, il cause trop) et pendant ce temps, rien de sérieux n’est fait pour réduire l’épouvantable dépense publique et les privilèges de certains, ni contre le communautarisme, l’immigration non régulée et sans reconduites à la frontière. Bref, M. MACRON commence à confirmer qu’il est la fin d’une époque et non le début d’une nouvelle.