Redonner sens à l’impôt

La création de richesse et son partage sont deux sujets qui divisent de plus en plus les peuples et qui attisent les oppositions sociales dont se nourrissent les affrontements futurs. Au coeur de cette controverse, le sujet de la fiscalité cristallise toutes les attentions mais aussi toutes les frustrations, campant une situation explosive où l’on retrouve d’un côté ceux qui ont l’impression de payer trop d’impôts et en face, ceux qui trouvent que les autres n’en paient pas assez. Or, de notre modèle de répartition de la richesse dépend notre modèle de société. Dès lors, la fracturation de notre cohésion appelle une réforme profonde de notre système fiscal, de nos modes de rémunération et de prise en charges des politiques de solidarité.

La plupart du temps et encore récemment, l’issue d’une crise sociale se termine par une ristourne de plus ou de moins sur l’impôt sur le revenu. Or, ce n’est pas le sujet. En France la moitié des Français ne paie pas l’impôt sur le revenu et pour ceux qui y sont soumis, 90% d’entre eux en paient moins de 9%. Une comparaison avec nos voisins européens ou avec les pays membres de l’OCDE, montre que la France se situe plutôt dans la moyenne basse en matière d’imposition sur le revenu (CSG incluse). La vraie particularité française provient d’abord du mille-feuille fiscal et de la perte de sens qu’il induit. C’est ainsi que le débat français sur la fiscalité a quelque chose d’hystérique et schizophrène car la plupart du temps nous mélangeons tout dès qu’il s’agit de savoir qui doit payer, combien et comment.

La réponse à ces différents sentiments d’injustice passe par une redéfinition plus claire de notre politique fiscale et par une plus grande lisibilité: Que chacun paie l’impôt tout en sachant combien et pourquoi; que l’impôt ne soit jamais confiscatoire; que personne ne puisse s’y soustraire et que l’impôt ne soit jamais un frein à l’investissement. Comment ?

  1. En donnant une lecture précise et réelle de ce que chaque citoyen finance et en affirmant clairement qu’en réalité chacun paie l’impôt en France. En effet, que ce soit par la TVA, la CSG, les charges salariale, les impôts locaux, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur les successions ou encore l’impôt sur la fortune immobilière, chacun, à son niveau et selon sa situation, participe au modèle français de financement des services publics et de la solidarité, certains cumulant la totalité de ces différents prélèvements… Ce qui manque par ailleurs, c’est la capacité pour chaque citoyen de suivre son niveau d’utilisation des services et aides publics et leur valorisation. En effet, combien de français sont informés de ce que leur permet d’économiser le remboursement des soins ou la gratuité de l’éducation nationale pour leurs enfants ? Et quel serait l’impact sur le consentement à l’impôt si nous en étions tous conscients ?
  2. En garantissant constitutionnellement que personne en France ne puisse être soumis à un niveau d’imposition confiscatoire, c’est à dire un total d’impôts directs (à savoir impôt sur le revenu, impôt sur la fortune immobilière, prélèvements sociaux (CSG-CRDS notamment) et taxe foncière), supérieur à 50% des revenus du contribuable.
  3. En s’assurant qu’aucun citoyen français, ne puisse se soustraire à l’impôt où qu’il se trouve sur la planète, et ce, par la mise en place d’une imposition liée à la citoyenneté. Être citoyen français c’est accepter de participer au financement du modèle de solidarité le plus généreux et le plus ouvert qui soit, le refuser ou s’organiser pour s’en extraire, c’est s’exclure de fait, de la communauté nationale.
  4. Enfin, concernant les entreprises, le meilleur impôt est celui qui intervient après la création de richesse et non avant. Ainsi, plutôt que de mettre en place des systèmes fiscaux avantageux sur l’impôt sur les sociétés ou la cession d’entreprise, c’est sur le coût du travail qu’il faut alléger la charge patronale de manière à permettre l’investissement sur l’emploi, car dans notre modèle, le capital est trop rémunéré pendant que le travail l’est trop peu et le travail est trop taxé pendant que les rentes y compris financières le sont insuffisamment.

Au final, c’est par une baisse massive du coût du travail pour encourager l’embauche à des niveaux de rémunérations décents et l’accroissement de l’assiette de perception des impôts que nous construirons un modèle fiscal plus efficace, et c’est par un travail de clarification et de construction d’une véritable culture fiscale que nous donnerons une image plus juste et plus lisible de l’impôt et de son rôle dans la stabilité de notre édifice social.

Nul besoin d’idéologie pour comprendre que de la recherche d’un nouveau partage des richesses dépend la signature d’un nouveau pacte social dans notre pays mais aussi sur notre continent. C’est lentement mais sûrement ce qui s’imposera, par le dialogue que nous initierons ou par la violence que nous subirons. Soyons clairs, soyons lucides et soyons humains, il n’y a aucun avenir pour un modèle, qu’il soit économique, financier ou politique, s’il est incapable de répondre à la question sociale.

Une réflexion sur “Redonner sens à l’impôt

  1. Très bonne vision globale de la problématique de l’impôt qui ne peut en effet s’appréhender qu’au niveau de l’ensemble des prélèvements obligatoires. Une remise en ordre, une simplification, une clarification sont incontournables pour une adhésion renouvelée d’un corps social totalement étranger aux considérations qui avaient prévalues il y a plus d’un siècle à l’origine de l’impôt sur le revenu… En effet les préoccupations sociales et environnementales sont maintenant les contraintes fondamentales autour desquelles doit s’articuler une fiscalité à repenser intégralement. Le citoyen, numérisation et hyper information aidant, s’est mu en consommateur de la chose publique: la structure de la fiscalité doit s’adapter à cette nouvelle donne à défaut d’accumulation de factures multiples et croissantes. Le moment est venu de supprimer la complexité, les distorsions, les inefficacités et les injustices de l’impôt sur le revenu des personnes physiques dont plusieurs prix Nobel d’économie ont dénoncé les travers et finalement l’inadaptation croissante à notre économie libérale. Il ne représente au mieux que 7% de l’ensemble des produits fiscaux. En regard le seul impôt reconnu comme « intelligent » et adapté par tous les pays développés, la TVA ,doit constituer le vecteur d’une transformation du prix selon la qualité environnementale du produit-service…un taux progressif jusqu’à 50% (ce qui est déjà en vigueur subrepticement pour la fourniture électrique 35% de taxes…) doit suivre la courbe du contenu carboné d’un produit service… Le supplément de prix étant compensé par la suppression de l’IRPP assurant un effet de soutien à l’économie.

Laisser un commentaire