Des têtes et des piques

Vendredi 24 janvier 2020. Il est 7h quand je découvre sur Twitter que la nuit dernière des marches aux flambeaux ont été organisées par les opposants à la reforme des retraites. Je parcours les différentes photos et videos. Les cortèges sont calmes et la lueur de leurs flambeaux leur donne de la force et du relief. Je n’y vois rien de choquant même si je devine certaines références. Les luttes prennent parfois des formes singulières, c’en est une et elle laisse une trace, a priori plus favorable que certains cortèges beaucoup plus violents.

Et puis, soudain, vient cette video… des hommes et des femmes qui défilent sur une avenue, dans la nuit, flambeaux tendus vers le ciel. Certains portent des gilets marqués de leur appartenance syndicale. Ils avancent, lentement, en silence. Deux d’entre eux, en guise de flambeaux, portent des piques au bout desquelles sont plantées des têtes à l’effigie d’Emmanuel Macron.

Je me fige et je regarde cette video plusieurs fois sans plus bouger, stupéfait. La nonchalance de ceux qui portent ces têtes coupées au milieu des flambeaux, tranche avec la violence des symboles qui soudain se conjuguent.

Cette image n’est pas anodine. Ce n’est pas une pancarte de plus. Ce n’est pas un slogan plus fort que les autres. Ce n’est pas un abri-bus dont on brise la vitre. Cette image, c’est celle de la remise en cause de notre mode de vie, de notre démocratie, de notre État de droit, de notre communauté nationale. Et qu’on nous épargne la référence à 1789… C’est justement parce que la Révolution Française nous a gagné la République que nous pouvons contester et que nous pouvons désormais voter pour changer les têtes sans plus jamais avoir à les couper.

Entendons nous bien, il pourrait s’agir de la tête de n’importe quel autre Président de la République, il pourrait s’agir de la tête de n’importe quelle femme ou n’importe quel homme politique, il pourrait s’agir de n’importe quel citoyen, il pourrait s’agir de n’importe qui… dans une République, démocratique, laïque et sociale, qui est fondée sur la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, on ne peut pas accepter que l’on puisse mettre la tête de quelqu’un sur une pique sauf à prôner l’anéantissement des valeurs sur lesquelles s’est bâtie notre nation.

Le sujet ici n’est pas de savoir qui a raison ou qui a tort, si l’âge pivot, les régimes spéciaux ou la retraite par point sont bénéfiques ou pas, si le régime sera équilibré en 2030, 2040 ou 2050 et quel est l’enjeu politique de tout cela sur les prochaines élections… L’enjeu c’est la préservation de la paix. La République et la démocratie sont nos biens le plus précieux et tout ce qui s’en prend à elles doit être condamné. Fermement. Définitivement.

Personne ne peut s’arroger le droit de piétiner ce qui fonde notre contrat social parce qu’il est en désaccord sur telle ou telle mesure politique et personne ne peut décréter qu’il est la République, car la République ne se conjugue pas à la première personne du singulier.

Nous sommes la République, nous tous, assemblés, rassemblés, unis dans le respect de nos lois et de ce qui nous dépasse et que nous devons protéger coûte que coûte, la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Ce ne sont pas que des mots, ce n’est pas qu’un triptyque que le temps a poli aux frontons des mairies et des écoles communales, c’est un pacte que nos aïeux ont scellé de leur sang pour que nous n’ayons pas à faire couler le notre et à qui nous devons de pouvoir vivre libres et debout.

Je refuse de vivre dans un pays où il serait normal que l’on plante des têtes – fussent-elles en carton, en plastique ou en papier mâché – sur des piques. Je suis citoyen et je choisirai toujours la République contre le chaos.

22 réflexions sur “Des têtes et des piques

  1. Juste comme nous en avons besoin. On respire un peu mieux.
    Il faut entendre les voix qui calment aujourd’hui.
    Il faut qu’elles soient entendues, surtout.

    1. Bonjour, je ne suis pas frontalement en désaccord avec votre ressenti, mais on peut aussi élargir la focale. A quelques jours près nous entrions dans ce mois de février qui est celui des carnavals. Or, nous sommes aujourd’hui dans une époque où la moindre transgression est ressentie par ceux qui se sentent visés comme une atteinte intolérable à leurs intégrité, à leurs identité. Résultat, la chronique des actes de censures « ordinaires » se multiplient, « piétinant du même coup nos valeurs républicaines. Et comme ces derniers jours, on a pu assister à une remise en cause très « multiculturaliste » de cette autre valeur essentielle qu’est la laïcité, j’en arrive à me demander si, au bout du bout, certains ne vont pas finir par demander l’interdiction des carnavals ….

  2. je suis entierement d’accord , si on attaque la republique , c’est grave , il faut reagir contre cette bande , car ce sont bien des anarchistes.

      1. On parle ici de la république française, où nous avons le droit de voter, de manifester, de dialoguer. Allez donc dans une dictature, et vous verrez que vous êtes jeté en prison pour moins que cela.
        Vive la république !

  3. Bravo à notre président qui fait ce pour quoi il a été élu.
    Les sauvages qui ne sont que dans la critique n’ont qu’à se présenter aux élections.

  4. Il faut espérer que les porteurs de piques à l’effigie du Président de la République ne mesurent pas la portée de leurs actes.

    1. J espere que la tête qui représente le guignole qui nous dirigent verras par cela que si il continu a être aussi con et abjecte il finiras peut-être ainsi! Seul l histoire le diraq

      1. toi tu n’a pas fait d’histoire à l’école c’est sur, incroyable comme bétise

      2. Monglod, vous êtes lamentable de stupidité, et vous, de fait, de tête vous n’en avez point. Vous feriez mieux de retourner à l’école et d’y apprendre enfin quelque chose, ce qui nous éviterait à tous de lire de telles âneries. Ce que vous faites-là s’appelle incitation au meurtre et mériterait une plainte pénale. A bon entendeur !

  5. Ces gens qui défiles ont l’air tellement inoffensifs, des gens qu’on croise tous les jours, des gens ordinaires. C’est ce qui est le plus effrayant. Merci pour ce texte sans arrogance et tellement juste au moment où on a besoin justement de sérénité.

  6. Bravo! Nous avons cette chance d’avoir le droit de ne pas être d’accord, d’avoir le droit de contester, que tant de citoyens, ailleurs, n’ont pas. Faisons-le avec respect.

  7. je suis entièrement d’accord avec ce texte , parfaitement laïque et républicain et puisque A.Camus est à l’honneur , je reprendrai une de ses déclarations  » un homme , ça s’empêche « 

  8. Je suis complètement d’accord. Nous allons tout droit vers un autre régime si l’on accepte ce type de violence. C’est les souhait des extrêmes.
    J’aimerai que nos élites (syndicats, partis politiques) se mobilisent pour lutter contre le pujadisme au lieu de se regarder le nombril.

    1. Pour répondre à ceux qui inconditionnellement critiquent la violence de ces tetes factices au bout d’une pique, je dirais pour répondre dans les mêmes termes que l’auteur du texte,  » qui peut s’arroger le droit de tabasser des manifestants pacifiques », voire tuer des « spectateurs se trouvant là par hasard »,?qui peut vouloir imposer des restrictions budgétaires à une majorité en difficulté, plutôt qu’à une minorité qui détient la majorité des richesses, qui peut faire cela sans imaginer une réaction à la mesure de la provocation ? Oui à l’apaisement avec un peu plus de justice, un peu plus d’humanité. Oui à la démocratie mais la démocratie proposée actuellement ressemble à d’y méprendre à une dictature.

      1. Et bien vous vous méprenez… car vous ne semblez pas savoir comment fonctionne un dictature, sans liberté de presse, de dire, de manifester, de se présenter à une élection, de voter… rayez la mention inutile et faites en sorte qu’avec votre bulletin et ceux qui partagent votre opinion de changer la politique de notre Nation.

  9. La violence de cette tête sur une pique n’est rien confrontée à la violence quotidienne que vivent beaucoup de français. Leurs têtes à eux, certes, ne sont pas sur des piques… elles sont inexistantes. Nous voyons là sur cette vidéo, la tête d’une marionnette, celle de Macron qui livre le peu qui reste aux requins. Ces manifestants sont oui ! en effet des gens comme tous le monde, vous et moi, mais ne soyez pas effrayés, ce sont vos concitoyens…. soyez effrayés plutôt par ce qui attend nos enfants. Le système est pourri en son sein. La politique telle qu’aujourd’hui est obsolète. Il nous faut tout repenser en profondeur pour pouvoir respecter les droits fondamentaux des plus faibles inscrits dans la déclaration des droits de l’homme… et cela ne pourrait se faire que par de grosses prises de conscience et vrai volonté de la part des élites. Hors celles-ci ne sont pas impactés par ce qu’elles nous font et feront subir. Elles n’en sont même pas conscientes, aveuglé par le mouvement implacable et destructeur qu’elles ont mis en place. Ne pensez plus en comptes à alimenter, dont celui des retraites, mais en répartition des richesses un peu plus juste. Laissons derrière pujadisme et autres, regardons la réalité et notre futur en face : nous serons des milliers pour ne pas dire plus, et en France, et ailleurs à vivre dans la plus pure misère, classe moyenne incluse. Nous n’aurons plus les moyens de transmettre quoique ce soit. Alors je suis fière de voir que ces personnes dans la rue ont le courage d’avancer dans le silence et envoyer en même temps ce message fort qui est à l’image de la révolution. Celle qui a permis la République. Non cette tête ne me fait pas peur, elle est l’espoir que les français ne plieront pas, qu’ils ne seront pas mangés tout crus. Liberté, EGALITE, Fraternité…. L’espoir que ces mots garderont tout leur sens : Personne ne peut user et être au dessus de cela en République et démocratie.

  10. Merci pour ces mots. J’ai tenté d’exprimer des idées similaires sur FB il y a quelques jours après l’intervention de M. Badinter. Quelle n’a pas été ma surprise de recevoir des commentaires tous plus excessifs les uns que les autres, qui défendaient cette symbolique nauséabonde au prétexte subtil que « les flics qui éborgnent et tuent, c’est pas mieux » ; ou qui, face à mon appel à la dignité, affirmaient ce merveilleux programme : « entre la lutte des classes et la dignité, il faut choisir ». Triste période.
    Cordialement.
    PBD

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