Il y a quelques années, je me souviens avoir lu ce message sur un réseau social « Le monde va trop vite, je veux descendre. » C’est fait, le monde s’est arrêté, tout le monde descend. Paralysé par un microscopique virus, le monde s’est mis en quarantaine, et nous avec. Plus d’écoles, plus de travail, plus de voyages, plus d’élections, plus de commerces, plus de fêtes, plus de sport, plus de restaurant, plus de concerts, plus de cinéma, plus rien… ou presque.
Le Covid-19 tue, c’est une certitude et c’est même sa raison d’être, détruire les tissus pulmonaires. Pourtant il ne fait pas que ça… et derrière sa mission mortifère, le coronavirus nous transforme en transformant nos environnements sanitaires, professionnels, économiques, familiaux.
Par ailleurs, les catastrophes, quelles que soient les formes qu’elles prennent, régulent les excès et soulignent les carences, et à ce titre, le Coronavirus a plus fait en un mois que n’importe quel leader économique ou dirigeant politique en 10 ans. Soudain, le consensus surgit et efface les vieilles oppositions sur des sujets majeurs comme la place du soin dans nos sociétés, le dimensionnement de nos infrastructures médicales ainsi que le sort réservé à leur personnel. Chacun prend brutalement conscience que sans lits, sans masques, sans respirateurs, sans infirmiers, sans médecins, ce qui est en jeu, ce sont nos vies et celles de ceux que nous aimons. Le centre de gravité de nos opinions se déplace de la théorie complexe et « intelligente » à l’intuition ancrée, évidente et limpide parce que vitale… C’est ainsi que soudain, un autre monde est possible.
En nous poussant à faire l’école à nos enfants tous les matins, le Coronavirus nous ramène au coeur de la classe et nous touchons du doigt ce que nous avons oublié et finalement minimisé, c’est à dire les trésors de patience et l’extraordinaire énergie qu’il faut déployer pour enseigner. Nous prenons également le temps d’observer nos enfants apprendre, et nous comprenons la primauté de cet apprentissage et de ce qu’il transporte avec lui de culturel, de civique et d’humain.
En nous confinant et en nous empêchant de continuer notre course folle, le Coronavirus nous ramène à l’essentiel, la maison, la famille, la cuisine, l’entraide, la transmission, l’empathie. Nous retrouvons la mesure du temps et des rendez-vous qui le rythment, en commençant par les repas que nous avons tant maltraités depuis des décennies et qui pourtant devraient nous réunir toujours et tous les jours autour de cette table et des discussions qu’elle induit par ce mot oublié et pourtant essentiel, la commensalité.
Enfin, en nous fragilisant, en nous perturbant, en nous contraignant, le coronavirus nous renvoie à cette extraordinaire capacité protectrice, créatrice et réparatrice, la solidarité, car la distanciation physique n’est pas la distanciation sociale et il se pourrait bien que l’on soit plus proches aujourd’hui que nous ne l’avons jamais été.
Nous nous parlons de nouveau et surtout nous nous écoutons enfin, nous sommes attentifs, nous sommes attentionnés, nous continuons à demander aux autres « comment vas-tu ? » mais désormais nous nous intéressons à la réponse… tout change dès lors, et même si la peur, voire la panique, poussent certains à des comportements irrationnels au moment d’acheter un paquet de riz, il se dessine une société d’entraide où la confiance remplace la méfiance, la complicité remplace le soupçon, le partage remplace l’accaparement.
Il y a au coeur de la crise que nous traversons tout ce qui nous sauvera, non pas d’un virus, mais des excès et des absurdités d’un modèle dont nous avons totalement perdu le contrôle. Prendre soin, enseigner, protéger, partager, voilà l’essentiel de nos vies et de notre modèle de civilisation. Voilà ce que nous avons dévalué et voilà où notre attention, nos efforts et nos politiques publiques doivent être portés.
Au moment où nous entrons dans ce long tunnel où tout pourrait nous apparaitre sombre, nous devinons d’ores et déjà cette lueur qui nous donne la direction à suivre vers une sortie vertueuse. La façon dont nous allons accomplir ce voyage est essentiel et les valeurs qui en jailliront seront fondatrices. Parlons-nous, écoutons-nous, et demandons-nous si loin de survivre, nous ne sommes pas en train de revivre.
Prenons soins les uns des autres. À tout à l’heure…
Vous voulez être soucieux des autres, vous voulez être solidaires ?
Et bien, restez chez vous !
Merci beaucoup pour votre article ! Le lien entre les proches restant éloignés géographiquement peut être maintenu grâce au digital…
Il me semble que vous oubliez nos « aînés », nos parents, nos grands-parents, voire même arrières grands-parents. Ce n’est pas un skype qui changera la tendresse du toucher de la vue du bisou des aimés. Le confinement à domicile avec un proche âgé, c’est devenir pédicure, masseuse, manucure, coiffeuse, aide ménagère, jardinière, bricoleuse, cuisinière ect…sans plus d’aide d’un proche…. quid des aides à domicile qui n’ont plus le « temps »de pouvoir réaliser leur travail comme « elles » le souhaiteraient? Quid des services de gériatrie et des maisons de retraites? Dans 20 ans la génération des 60 ans sera nombreuse…espérons que nous aurons trouvé la solution avant….à moins que….Mais, restons positifs comme votre article, restons solidaires même si la réalité nous offre parfois le contraire. #reste chez toi#
Vous avez parfaitement saison de souligner le sort de nos ainés au coeur de cette crise. C’est un sujet crucial et douloureux. Merci de votre commentaire. Prenez soin de vous.
Oh! Comme c’est gentil « Prenez soin de vous » des mots qui me touchent beaucoup. Vous de même Monsieur Alberti…Cet après-midi sera crêpes maison pour la chaleur odeur cuisine et surtout pour faire plaisir. Tant que l’on a un être à chérir on est riche. Je pense aussi aux gens seuls sans toit migrant loin de leurs racines et de leurs pays. Notre éthique saura-t-elle être à la hauteur de ce qui nous arrive?
J’adhère tout-à-fait! Puis-je me permettre mon grain de sel? Parmi les fondamentaux, en plus du fait de cuisiner soi-même au lieu d’acheter des « crasses » toutes préparées et bien trop souvent malsaines, il y a aussi la production de vraie nourriture saine chez soi, Le jardinage et même le petit élevage peuvent mener à une autosuffisance partielle, qu’on peut d’ailleurs ensuite partager avec ses proches qui n’ont « pas le temps » ou échanger avec d’autres petits producteurs . Il n’y a pas si longtemps presque tout le monde à la campagne (mais pas seulement) cultivait ses légumes, fruits etc. Je parle d’expérience, mon métier et celui de mon mari (architectes indépendants) ne nous ont jamais empêché de le faire, à l’exemple de nos parents grands-parents, etc. Maintenant, les « jardins » de campagne ou de ville sont devenus décoratifs, fleuris et tondus chaque semaine, et ne servent plus que de plaine de jeux, d’espace barbecue, repos et jeux.