A l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes quatre milliards de personnes dans le monde à être confinées. Il serait indécent d’y voir une situation uniforme tant les inégalités y sont exacerbées, mais ce nombre décrit une page de l’Histoire commune de l’humanité tout en soulignant de façon inédite la mondialisation de nos destins face au Covid-19 aujourd’hui ou au réchauffement climatique demain.
Quelles que soient les post-certitudes de ceux qui nous expliquent qu’il aurait fallu anticiper, tous les esprits raisonnables savent que personne ne pouvait imaginer ce qui nous arrive aujourd’hui. Personne ne pouvait sérieusement prévoir qu’un jour, nous pourrions en deux semaines, littéralement arrêter la machine mondiale.
Cette réalité est inattendue et brutale, nous renvoyant par le confinement à nos vies et à leurs aspérités, heureuses ou malheureuses, violentes ou apaisées, bourgeoises ou précaires, et nous interpellent sur le sens de tout ceci et sur cette perspective lancinante, enivrante et parfois angoissante, « que va-t-il se passer après ? ».
En effet, si le moment viendra de comprendre comment nous avons pu en arriver là, la question la plus importante réside désormais dans le fait de savoir comment nous allons en sortir, personnellement, psychologiquement, socialement, économiquement, politiquement.
Il revient à chacune et chacun de nous de répondre à cette question et de poser sur l’horizon de nos vies subitement immobiles, la destination qui fait écho à ce que nous avions souvent enfouis sous le tapis de nos vanités, de nos peurs ou de nos souffrances.
Si ce virus est d’abord le premier témoin de nos limites, de nos carences et de nos aveuglements, il est aussi un pont vers un nouveau monde. En effet, c’est d’abord parce que les conséquences de cette épidémie nous touchent individuellement, intimement, jusque dans les fondations de nos vies quotidiennes, qu’il est un extraordinaire accélérateur des particules de notre métamorphose, d’une métamorphose qui se joue en ce moment dans nos foyers. Cette syncope inattendue, ce recentrage imposé, cette réclusion volontaire, nous amènent à faire bouger les lignes de nos jugements, de nos croyances, de nos hiérarchies, de nos ancrages idéologiques et dessinent un chemin qui est sans retour.
Nous ne sortirons pas du confinement et de cette crise sans précédent comme nous y sommes entrés et nous ne pourrons pas en sortir non plus en utilisant les chemins qui nous y ont amenés. Autrement dit, il va falloir inventer les processus qui vont faire écho à ces profonds changements et qui vont nous permettre d’en sortir enseignés sur le monde, enseignés sur nous mêmes, pour en sortir grandis, c’est à dire non pas plus humains, mais plus humanistes.
Ainsi, il va falloir que les entreprises s’emparent de ce qui se passe en leur sein pour en tirer les modes de gouvernance, de rétribution, d’organisation du travail, de communication, que nous imposent ces circonstances exceptionnelles. Ces circonstances nous rappellent également l’ordre oublié des choses jusque dans la hiérarchie des taches et des métiers. Ainsi, redécouvrons-nous que pour pouvoir manger, il faut un agriculteur, un ouvrier agro-alimentaire, un chauffeur livreur et une caissière… et que lorsque la crise est là, tout le reste est superflu.
De même, nous allons devoir réévaluer nos politiques publiques, nos modèles de redistribution, nos modèles de solidarité, notre souverainement alimentaire, industrielle ou sanitaire et redéfinir les priorités d’un État moderne, un État au service de son peuple et de celles et ceux qui le forment au travers d’un triptyque qui devrait être sacré: Éduquer, protéger, soigner… Car sans instituteurs, sans policiers, sans soignants, sans pompiers… notre modèle est un trou noir.
Dès lors, il est exclu que le pouvoir politique puisse sortir de cette épreuve, indemne, c’est à dire inchangé dans sa nature et dans son fonctionnement. Si la page qui s’ouvre devant nous est blanche, c’est parce que l’Histoire attend que nous y écrivions un nouveau pacte démocratique, économique, social et donc politique. Le Président de la République doit en prendre acte et renverser la table qui lui sert de bureau des certitudes, ou il pourrait être renversé avec elle.
C’est l’Histoire de la France, et c’est un nouveau rendez-vous qu’elle nous propose. Il existe des précédents, qu’ils se nomment États-Généraux ou Conseil National de la Résistance, lesquels ont magnifiquement remplis ce rôle en 1789 ou en 1945, en posant les bases d’un nouveau modèle pour notre pays mais aussi pour beaucoup d’autres peuples dans le monde. C’est une formidable chance qui nous est offerte et quiconque ne s’en n’emparerait pas, tournerait le dos au destin de notre Nation.
Les grandes crises matérialisent le croisement d’un mouvement et d’un moment où un individu, un peuple, un pays, se retrouve face à lui-même. Il est l’heure, aujourd’hui encore, d’honorer ce rendez-vous et d’en être à la hauteur. Il n’existe pas d’échappatoire, et du fond du temps, le grand Charles nous le rappelle, « La grandeur est un chemin vers quelque-chose qu’on ne connaît pas. »
Très bonne analyse mais il faut que le changement soit mondial. ^
Bravo et merci pour cette rédaction lumineuse. J’avais moi-même écrit qu’une belle illustration de la bonne gouvernance avait été la préparation de la sortie de la 2° guerre mondiale durant les années les plus sombres pour la France, vers plus de « fraternité », mot de notre devise qu’il nous faut remettre à l’honneur.
Bonjour,
Merci pour ce bel article. Venant d’un entrepreneur, il a d’autant plus de force.
Juste une remarque car je pense que cette situation était imaginable et envisageable puisque Taïwan, la Corée du sud, le Vietnam et Singapour avaient prévu la solution du confinement qu’ils ont mis en place immédiatement à la première alerte. Nos gouvernants ont été alertés par l’OMS, par des scientifiques… Mais le libre-marché était plus important
Grands mercis pour ce lumineux message.
Bonjour,
Je suis d’accord avec beaucoup mais je vois des « restes » des précédentes carrières professionnelles.
C’est la phrase « Ainsi, redécouvrons-nous que pour pouvoir manger, il faut un agriculteur, un ouvrier agro-alimentaire, un chauffeur livreur et une caissière » qui me fait réagir car elle sous entend que ca ferme la porte à une (d’)autre(s) manière de « trouver » ses aliments. Certaines existent déjà (jardins « ouvriers », AMAP, etc..) et (beaucoup) d’autres sont probablement à venir mais c’est essentiel de se reconnecter à notre nourriture.
Mais évidemment, comme vous le suggérez, le plus important est de revenir à l’essentiel, aux bases, en partageant équitablement les biens communs.
Vous avez raison, il existe d’autres circuits pour se nourrir mais aucun de ces circuits n’est à ce jour suffisant (dans sa taille et son organisation) pour pouvoir nourrir un pays entier. Mai cela changera et il y a fort à parier que la crise actuelle accélérera ce changement vers les modèles plus directs dont vous parlez.
Merci pour ces écrits qui nous ouvrent la porte vers un autrement. Les consciences seront-elles suffisamment eveillées pour entreprendre les changements necessaires ? Maslow quen dirait il?
Très intéressant, et je partage la majorité des réflexions, à l’exception de deux points:
* Vous dites vers la fin que le « Président doit en prendre acte et renverser la table qui lui sert de bureau des certitudes »,…Croyez vous vraiment que les responsables politiques actuels, toutes couleurs confondues soient capables d’une telle remise en question? Les croyez-vous capable de mettre de coté leur égo, leur conditionnement, leurs liens étroits avec les puissants de l’économie mondiale, leur fonctionnement globale et personnel et leur soif de pouvoir pour envisager un tel virage? Je voudrais me tromper….mais je pense que le monde plus juste que la grande majorité des citoyen-ne-s commence à revendiquer de + en + fort a besoin de leaders, femme et homme, plus aptes et disposés à vouloir profondément changer les codes.
*Vous parlez enfin de l’Histoire de la France ….Je pense qu’une autre grande leçon de cette crise est de nous mettre face à l’évidence que sur cette belle planète Terre, nous sommes uni-e-s, pour le meilleur et pour le pire. Penser local agir global, pour plus d’équilibre, plus d’entente, de solidarité de projets ambitieux pour équilibrer et améliorer notre vie à toutes et tous, partout, dans le respect mutuel de qui nous sommes, dans la diversité, le respect de la nature, de la culture, bref, éviter de retomber dans les pensées et les stratèges qui nous séparent, nous mettent dos à dos et stopper ainsi l’escalade de la peur et de la violence dans le monde.
En ce qui me concerne, une des grandes leçons que me donne la situation actuelle, c’est que tout est possible, tout peut arriver, en un claquement de doigt. Chacun d’entre nous peut agir aujourd’hui pour apporter sa couleur à la à la page blanche qui s’ouvre à nous.
bonjour et surtout merci depuis que je vous ai découvert je me lasse pas de vous lire et suis souvent agréablement surpris par vos écrits c est tout simplement plein de bon sens et par les temps qui courent c est suffisamment rare pour etre souligné j espere que certains politiques lisent vos réflexions et mette leurs égos de cotéet s inspirent de vos écrits pour appliqué une nouvelle politique afin changé notre societé ultra consumerisme
Merci beaucoup de votre message.