Nichée au fond de l’église Notre Dame de Bruges, la Vierge à l’enfant de Michel Ange fixe inlassablement le sol, son regard triste soulignant encore un peu plus ses traits incroyablement fins. Elle est d’une grande beauté, de cette beauté caractéristique du maitre florentin, qui doit plus à l’allongement des canons du visage qu’à la perfection des proportions. On est happé par tant de grâce, comme suspendu à la possibilité de la voir lever son regard vers nous. Autour de la madone, l’aura de Michel-Ange plane depuis plus de cinq cent ans. Je me demande ce qui arriverait si plus personne n’était là pour la regarder ? Je me demande combien de temps encore, la jeune Marie survivra-t-elle à son créateur pour témoigner de son génie ? Cent ans ? Mille ans ? Dix mille ans ? Combien de temps dure le marbre de Carrare ? Combien de temps demeurent les oeuvres magistrales ou ridicules, les empreintes et les traces ?
Et « si cent ans passaient en une seconde, que resterait-il de toi ? »
Soyons clairs, à par quelques tonnes de carbone dans l’atmosphère, il ne resterait pas grand chose. Une plaque dans un cimetière, quelques photos dans l’album digital de mes descendants, quelques lignes perdues dans l’internet… presque rien… puisqu’après la mort, « Omnes una manet nox », une autre nuit nous guette, l’oubli.
Pourtant presque rien, c’est déjà quelque-chose, et ce quelque-chose qui n’est pas grand chose, n’est-ce pas finalement la meilleure définition de la trace. Une sensation, une rayure, une tâche de sang lavée cent fois mais dont l’ombre demeure et qui continue, du plus profond des fibres, à témoigner de la blessure. Et c’est bien son caractère insaisissable et souvent imprédictible qui donne à la trace qu’on laisse une si grande importance.
Et même si un jour, à force de temps et de ce frottement qui use toutes les surfaces, la trace vient à disparaître totalement, doit-on s’en émouvoir ? Y a-t-il une trace de nous qui mérite de nous survivre éternellement ? Sans doute pas. Et d’ailleurs, « une trace ineffaçable n’est pas une trace » nous enseigne Derrida, puisque la trace n’existe que par la perspective de sa disparition. Mais voilà, nous ne pouvons nous y résoudre, et nous tentons avec plus ou moins de conscience, plus ou moins d’ambition et surtout plus ou moins de talent, de laisser une empreinte de notre passage. Pourtant, même si c’est dérisoire, c’est souvent heureux et peut-être même est-ce plus beau encore puisque c’est dérisoire… C’est d’ailleurs parce que son combat est inutile et qu’il sait que c’est inutile, que Cyrano laisse sa plus belle trace, la seule qui compte à ses yeux, ce geste ample et élégant, cette beauté de l’âme que rien ne peut capturer, son panache.
Mais il faut s’y résoudre, nous ne sommes pas tous, loin s’en faut, Cyrano, et nous nous débattons avec cette idée plus ou moins précise et plus ou moins consciente de la trace qu’on laisse, quelle qu’en soit l’intensité, le relief ou la nature. Parfois, elle se niche au coeur de notre intimité familiale, parfois elle trahit qui nous étions vraiment, parfois elle s’affiche sur un mur. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai toujours aimé les graffitis, les tags et les peintures ou collages qui forment le street art. Il y a dans ces dessins que l’on trouve sur les murs de nos rues, sur les wagons de trains, sur les tabliers des ponts, le témoignage de ce désir primaire de laisser une trace, ce vestige des premiers hommes qui posaient leurs mains sur les parois des grottes du paléolithique.
Laisser son empreinte est certainement le trait caractéristique qui unit tous les peuples de tous les temps de la terre. Qu’il s’agisse des dessins exécutés sur les parois des grottes Chauvet, Cosquer ou de Lascaux, qu’il s’agisse des cairns qui jalonnent les sentiers de randonnées où les sommets de nos petites ou grandes ascensions, qu’il s’agisse des pyramides de Khéops, de Kukulcàn, de Khéphren, du Louvre ou du Louvre lui-même, qu’il s’agisse de cet amour gravé au couteau sur l’écorce du vieux platane de la cour de l’école, du drapeau américain flottant sur la lune, de la symphonie du nouveau monde, du penseur de Rodin ou des empreintes de stars devant le Chinese Theatre sur Hollywood Boulevard, tous, quelles que soient nos existences tonitruantes ou furtives, géniales ou banales, nous sommes traversés par cette pulsion créatrice, productrice, exploratrice ou constructrice qui pourrait nous projeter au delà des limites de nos vies, pour témoigner et finalement, nous prolonger.
Mais la trace n’est pas seulement le résultat d’une volonté, elle peut être également le reste de nos activités profanes, les vestiges de notre appétit ou de notre inconscience. Dès lors, elle prend des formes moins esthétiques, moins poétiques et pourtant, souvent plus inaltérables, qu’il s’agisse de nos empreintes carbone ou plastique, qu’il s’agisse de cette bouteille, de ce mégot ou de ce sac, nous laissons quotidiennement derrière nous des milliards de traces en forme de rejets… et c’est alors beaucoup moins heureux.
Pire encore, à l’heure des réseaux sociaux, du metaverse ou de la Blockchain, il n’a jamais été aussi aussi simple de laisser sa trace, partout, tout le temps et surtout de manière irréversible. Un temps, nous avons pu penser qu’il s’agissait d’un progrès alors qu’il est peut-être question d’une catastrophe, celle de la résonance éternelle de tout, y compris de ce qui ne le mérite pas, c’est à dire, tout ce qui n’a pas vocation à durer au delà de l’instant, au delà d’un moment d’oubli de soi ou d’absence de dignité. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de remonter très loin dans le fil de nos réseaux sociaux pour y déceler le ridicule, voire le grotesque qui se cachent derrière nos saillies définitives ou vaniteuses.
Dès lors, la prochaine grande bataille sera peut-être celle de l’oubli, autant comme un droit que comme une façon d’être au monde, car il y a dans notre désir de laisser notre empreinte en creux ou en relief, la traduction de la façon dont nous vivons et dont nous nous voyons. Ainsi le droit à l’oubli passe-t-il également par un devoir de sobriété, énergétique bien sûr, consumériste évidemment, mais également numérique, iconographique, voire « selfitique ».
Il y a d’ailleurs dans l’observation des traces des temps originels, la possibilité de distinguer dans les fossiles et dans l’art pariétal, la différence entre les traces que nous laissons : celles involontaires qui marquent notre passage de façon plus ou moins bénéfique et celles volontaires qui surgissent d’une action consciente et qui, parfois, dessinent un leg en forme d’anti-destin.
Et c’est probablement pour lutter contre cet inéluctable effacement, que l’homme tente éperdument de répondre à cette angoisse, en laissant sa trace de toutes les manières possibles. En se reproduisant bien sûr, mais aussi en créant, en détruisant, en inventant, en engloutissant et surtout en dominant.
Car c’est bien de domination dont il est question, qu’il s’agisse de dominer notre existence, notre territoire ou notre planète; qu’il s’agisse de dompter les éléments, le destin ou le hasard; ou enfin qu’il s’agisse de surplomber ses instincts, son art ou son clan, fut-il un peuple, chacun à notre façon, nous cherchons à laisser notre empreinte pour durer, pour nous projeter dans un futur où nous savons que nous ne serons pas. C’est ainsi que depuis les peintures rupestres des Néandertal jusqu’aux graffitis urbains qui courent dans nos rues, nos traces ont envahi le monde, d’abord poétiquement, avant de l’asservir, matériellement.
C’est ainsi également que l’empreinte est désormais montrée du doigt et appelée à se réduire, voire à disparaitre et c’est inédit dans l’histoire de l’humanité. L’humain a toujours voulu dominer son monde, sans toutefois en avoir les moyens. Ainsi, après les avoir découvert, l’humain a-t-il toujours façonné les paysages, les territoires, sans jamais pour autant, les dominer, c’est à dire sans avoir un impact sur la planète qui puisse modifier les grands équilibres naturels. Pendant 7 millions d’années, l’humain et ses ancêtres ont habité la terre sans jamais que leur empreinte ne la transforme autrement qu’en surface, et ce n’est que très récemment, c’est à dire à partir de la fin du 18ème siècle et l’entrée dans l’ère industrielle et dans ce que l’on appelle désormais l’anthropocène, que la domination humaine sur son environnement a transformé l’empreinte en mutilation.
D’ailleurs, peut-être nous trompons-nous de mot lorsque nous parlons d’ « empreinte » pour qualifier l’impact de l’activité humaine sur la nature et le vivant. Ce que nous laissons, c’est moins une empreinte qu’une plaie béante, celle de la déforestation, celle du labour, du forage, de la surexploitation systématique de toutes les ressources. Il ne s’agit pas ici de la trace d’un pied dans le sable ou encore moins du dessin de la main dans la grotte de Gargas, non, ici il s’agit d’effractions, d’extractions, d’excavations, d’explosions… Rien à voir avec l’empreinte, tout à voir avec la plaie. L’empreinte viendra, en sont temps, celui de la cicatrice.
Alors, laisser une trace ? Laquelle, pour qui, pour quoi faire, pour quel bénéfice et quelle postérité ? Autant de questions qui se cognent à notre vanité d’un côté et à notre trouille bleue de la mort de l’autre. Et c’est parce qu’elles font écho à des raisons différentes, et même parfois opposées, que les traces ne se valent pas toutes. Pour peu qu’elles témoignent de notre vanité, de notre lâcheté ou au contraire de notre courage ou de notre force créatrice, les traces méritent différemment que l’on se batte pour elles. C’est pour cette raison qu’il faut savoir lire les traces, comme on déchiffre des empreintes dans le sol, pour y déceler leur origine mais aussi leur direction, car si chaque trace s’offre d’abord à nous comme un vestige, c’est à dire la manifestation statique d’un évènement passé, elle propose aussi un mouvement, c’est à dire une invitation à suivre la direction qu’elle indique.
C’est peut-être là d’ailleurs que réside la signification la plus profonde de la trace, non pas celle que l’on crée ex-nihilo, mais celle que l’on perpétue parce que son origine le lui a mérité. Il y a dans la reprise de ce fil souvent ténu que le temps a laissé là, interrompu, une invitation à poursuivre, une charge qu’il nous reviendrait de porter au cours du temps qui nous est donné. Ainsi, il y a un temps pour le témoignage et un temps pour témoigner du témoignage. Nous pourrions croire que cela est vain et superflu mais c’est tout le contraire et nous le touchons du doigt lorsque nous examinons la trame de notre Histoire, les grands combats, les grands sacrifices, les sommets de l’humanité et de l’inhumanité, les splendeurs de la création à une extrémité, l’horreur du crime de masse de l’autre. Ces traces-là revêtent une telle importance qu’il est inenvisageable de les laisser s’effacer. Dès lors, il revient à chaque génération d’en porter le témoignage pour que jamais elles ne disparaissent. Alors, perpétuer la trace devient une mission, d’abord en permettant aux « derniers » de parler et d’être entendus, mais aussi, en étant capable de prendre le relais qu’ils nous tendent, cette torche que rien ne doit éteindre, pour continuer à éclairer les ténèbres qui nous observent en attendant leur heure.
A bien les observer, les traces qui comptent sont celles que l’on n’a pas voulu laisser, en tout cas pas en espérant qu’elles puissent en être, soit qu’elles témoignent d’une épreuve, soit, qu’elles résultent d’une pulsion créatrice, soit, enfin, qu’elles accompagnent un acte parfaitement désintéressé. Écoutons Jean Giono:
« Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable. »
L’homme qui plantait des arbres
Les chocs qui font vaciller nos civilisations, interrogent notre rapport à la trace, et à travers elle, notre désir d’immortalité. Il ne s’agit pas de le nier, encore moins de tenter d’échapper à ce désir, mais d’imaginer la meilleure façon de l’assouvir sans pour autant s’avilir.
Et s’il ne s’agissait pas de réduire notre empreinte mais de s’en réemparer pour lui redonner toute sa place, légère et furtive, mais tellement puissante, celle dont chacun est capable pour peu qu’il dispose d’un peu de pigment, d’argile ou d’encre. L’art est évidemment la mère des traces, l’empreinte la plus élevée, car elle est aussi la plus légère, la plus subtile, et pourtant la plus durable, sans qu’il ne soit pour autant besoin d’un bloc de marbre de Carrare et du génie de Michel-Ange.
« L’art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort. » Dans « la tête d’obsidienne » comme dans une immense partie de son oeuvre et de sa vie, André Malraux a cherché la façon dont l’art constitue un anti-destin, que ce soit dans le processus du créateur comme dans celui du spectateur qui continue encore aujourd’hui de consommer les arts séparément de tout le reste. Cependant, la menace grandit à force de mercantiliser les musées et de réifier les oeuvres pour en faire des produits, à force de donner à l’art la place du spectacle de sa propre financiarisation.
Et si le véritable art de vivre consistait à vivre l’art justement, c’est à dire à mettre l’art dans la vie comme le désirait tant Malraux, au centre et non pas seulement à côté, mêlé plutôt que séparé. Si l’apprentissage de la sobriété matérielle passait inéluctablement par celui de l’émotion artistique et poétique. Et si, dans un monde où nous accepterions enfin de produire moins, il nous fallait créer plus ? À quoi ressemblerait nos sociétés, si nous enseignions et valorisions le dessin, la musique ou la poésie avec la même intensité que celle que nous mettons dans l’apprentissage effréné de la performance ? Et si l’ultime progrès avait désespérément besoin de la beauté pour sauver le monde ?
Par sa capacité réparatrice, par sa force de sublimation, par son pouvoir d’échappement, l’art est probablement la première manifestation de ce que devrait être un humanisme agissant, la célébration sans la domination, l’élévation sans la soumission, la beauté bien sûr mais également la bonté… et Mychkine – « l’idiot »de Dostoïevski – l’a bien compris quand devant le portrait de Nastassia, il s’écrie: « Ah, si elle avait de la bonté, tout serait sauvé ! », oui, car la beauté seule ne suffit pas.
Et puis, il y a les traces que nous portons en nous et parfois sur nous. Qu’il s’agisse de tatouages, de cicatrices, de traumatismes ou simplement de souvenirs, nous sommes finalement le résultat vivant de l’accumulation et de l’assemblage de toutes ces traces. Elles sont constitutives de nos personnalités, de nos comportements, de nos identités et finalement de nos êtres. Même nus comme des vers, nous portons les traces visibles ou invisibles de nos existences, de nos rencontres, de nos accidents, de nos épreuves. Impossible de s’en défaire, impossible de les ignorer ou de les effacer, nous sommes les traces que nous portons. Et c’est peut-être cela qui compte plus que tout, non pas la trace glorieuse que nous voudrions laisser mais celles, intimes, uniques, précieuses qui passent par nous, qui sont en nous, qui demeurent par nous et qui parfois, disparaissent avec nous.
Pourtant, quelle que soit la nature des empreintes que nous portons, que nous léguons ou que nous laissons, elles ont une caractéristique commune. En effet, la présence de l’empreinte témoigne d’abord de l’absence de ce qui l’a formée. C’est probablement pour cette raison, que la rencontre avec l’empreinte, tout comme l’évocation du souvenir, s’accompagne toujours, inéluctablement, d’une nostalgie certaine, voire d’une certaine mélancolie. Cela vaut pour l’empreinte que nous laissons mais aussi l’empreinte que nous portons. Les souvenirs sont les traces de ce qui a disparu et que nous ne retrouverons jamais, car de la même manière que chaque empreinte est unique, puisqu’elle est la manifestation d’une action et d’un moment qui sont forcément contenus dans l’instant de leur croisement, le souvenir est singulier, comme le dessin inimitable de ce que nous avons vécu, de la façon dont nous l’avons ressenti, détouré, façonné et que le temps a poli.
« Vivre c’est s’obstiner à achever un souvenir » écrit René Char dans « la parole en archipel », car chaque trace en nous est comme une pierre, que l’on ne finit jamais de tailler, et dont chacune, à sa place, participe à l’édification de notre être, bancale et imparfait mais unique. Cherchez les traces en vous, vous comprendrez vite à quel point elles dessinent les contours de votre vie, car, des plus anecdotiques aux plus décisives, les traces que nous portons disent qui nous sommes et comment nous le sommes devenus. Ce peut-être un coup, une chute, une chanson, un paysage, une odeur, un baiser, une rencontre, toutes ces premières fois, toutes ces dernières fois… comme autant de touches de peintures sur la toile de nos existences, comme autant de toiles dans notre « musée imaginaire ».
Au final, volens nolens, nous participons à perpétuer cette trace universelle qui vient du fond des âges, le beau ou le laid, le faux ou le vrai, la force ou la fragilité, la haine ou l’amour. Nous sommes des passeurs de ces éternels relais, de ces flambeaux issus des confins de la civilisation, tantôt pour éclairer, tantôt pour réchauffer, tantôt pour brûler. Peut-être alors que la plus belle trace que l’on puisse souhaiter, soit de n’en laisser aucune, ou la plus légère possible, la plus diaphane, celle de la poésie, « le premier millimètre d’air au dessus de la terre », ce millimètre de la couche de peinture, de la courbe du dessin, du dessin de la lettre, de l’ivresse du vin, du rire de l’enfant, de la caresse du vent, de la douceur du crépuscule.
« Ô Khayyam, si tu es ivre de vin, sois heureux. Comme le compte de la vie est à la fin néant, — suppose que tu n’es plus ; tu vis, donc sois heureux. »
Les 144 Quatrains d’Omar Khayyam
Oui, « vis et sois heureux », et si nous vivons assez, nous pourrons dessiner la seule trace qui compte, celle invisible aux yeux du monde, et pourtant pleine et entière dans le coeur de celles et ceux à qui ont assez donné, c’est à dire tout. Cette trace est à ce point discrète que celui qui la laisse, ignore qu’il la laisse, et que lorsqu’il meurt, il continue de vivre. Alors seulement, apparait l’empreinte des empreintes, celle de la mystérieuse présence – absence de l’amour:
« Vous ne saurez jamais que votre âme voyage
Marguerite Yourcenar – extrait du recueil « Les charités d’Alcippe »
Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté ;
Et que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge,
N’empêcheront jamais que vous ayez été.
Que la beauté du monde a pris votre visage,
Vit de votre douceur, luit de votre clarté,
Et que ce lac pensif au fond du paysage
Me redit seulement votre sérénité.
Vous ne saurez jamais que j’emporte votre âme
Comme une lampe d’or qui m’éclaire en marchant ;
Qu’un peu de votre voix a passé dans mon chant.
Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme,
M’instruisent des sentiers que vous avez suivis,
Et vous vivez un peu puisque je vous survis. »